Les clameurs de joie résonnaient en cette soirée estivale et les fragrances des encens délicats parfumaient l’atmosphère, enivrant les convives et les prédisposant à la bonne humeur. L’air tiède circulait légèrement et caressaient la peau des femmes délicatement étendues sur de grands sofas, partageant la douceur d’une conversation autour de mets délicats et subtils.
L’une d’entre elle, cheveux chatoyants et aux yeux bleus, s’étirait telle une jeune chatte se prêtant volontiers au regard désireux de la gente masculine. Elle se savait belle. C’était indéniable. Elle profitait de cette connaissance pour faire languir à ses pieds bons nombre d’hommes la courtisant.
Dans le lointain, le soleil de feu transperçait les ramures des branches vertes des grands arbres de la forêt elfique, ajoutant ainsi à la féerie naturelle du paysage, une touche de magie, que seul un coucher de soleil peut engendrer. Les étincelles de lumière tournoyaient en sarabamde au rythme des chants langoureux elfiques.
C’est dans cette atmosphère que l’aventure de Suldrunne débutât. La magie solaire voyageant à travers le feuillage caressait le magnifique visage de l’elfe, décuplant sa beauté et magnifiant ses traits. Son sourire auréolait son visage, la propulsant véritablement au rang des étoiles scintillant dans le firmament naissant.
Non loin de cette jeune déesse insouciante entourée de ses admirateurs transits d’amour, s’échevelait au gré d’une légère brise de longs rideaux de soie très fine. On pouvait distinguer, par le jeu de la lumière du crépuscule naissant, trois ombres dévisageant l’assemblée insouciante et perdue dans l’ivresse de la beauté.
- Suldrunne !
Tonna une voix. Le charme ensorcelant les participants à cette fête de toute beauté, se retira un bref instant, mais reprit aussitôt son emprise sur l’ensemble des participants. La voix tonna de nouveau et se fit plus forte que la magie du soir et la beauté des femmes.
- Suldrunne, ta présence est requise !
Un rire cristallin éclata. Un rire qui glace le cœur des hommes par sa douceur, tel les sirènes par leur chant envoûtent les marins qui les écoutent. Suldrunne se pencha en arrière rejetant sa belle chevelure de feu et constata de visu que les trois ombres se tenaient derrière les rideaux de soie toujours sous la coupe de leur éternel ballet aérien.
Elle se redressa délicatement avec une grâce sans pareil et se dirigea lentement vers ses mystérieux visiteurs qui n’osaient pénétrer leur sanctuaire de plaisir. Sa démarche soulignait l’excellence de ses formes et, elle le savait, bon nombre de regard suivait le divin spectacle de son corps se déhanchant naturellement. Elle était sûre d’elle. Sûr de son pouvoir sur les hommes. Sûr de sa beauté.
Elle arrêta délicatement l’envol de la soie diaphane avec sa main d’une finesse étonnante, et découvrit avec stupeur les trois ombres.
- Suis nous !
Suldrunne narquoise et arrogante comme peuvent l’être toutes les femmes de grande beauté se figea et son visage blêmit. Elle baissa la tête en signe de soumission et accéda à l’ordre. Comme dans un rêve ses pas la menèrent face à une petite embarcation posée sur un long serpent d’eau qui noircissait au rythme de l’avancée de la nuit.
Ses parents étaient là. Et le troisième n’était rien de moins que le grand prêtre de l’Ordre. Un sage vénéré prédisant l’avenir et ayant une connaissance des arcanes sans limites. Il leva la main pour intimer l’ordre à Suldrunne de l’écouter sans l’interrompre. Ce qu’elle fit sans la moindre hésitation.
- J’ai fait un rêve jeune elfe. Une grande ville par delà la mer. Tu y étais et tu devais t’y trouver. Tu rencontreras des compagnons dans cette ville et tu les aideras dans leur mission. Il te sera donné à un moment de faire un choix. Fait le bon choix.
Le hiérarque était réputé pour sa grande perspicacité et son immense sagesse. Mais en ce crépuscule estivale, Suldrunne était perplexe autant que peut l’être une jeune fille, tant les paroles étaient sombres et vagues. Suldrunne osa une question :
- Vénéré maître, que dois je faire dans cette ville ?
- Vends tes talents jeune Suldrunne.
- Maître, mais il est interdit de vendre des soins aux autres !
Le sage intima l’ordre à Suldrunne de se taire, et lui montra l’embarcation. Les larmes roulèrent dans ses yeux lorsqu’elle vit sa mère l’embrasser et l’étreindre. Son père en fit autant et porta un petit sac contenant des affaires dans le canot.
Suldrunne en pleur monta dans le frêle esquif. Elle regarda ses parents disparaitre dans la pénombre et leur lança en s‘étouffant presque un dernier adieu.
Suldrunne entrait de plein pied dans l’inconnu.